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Le talisman

25. 6. 2023

 

Voilà l'histoire d'un ducat d'or, un peu fantaisiste et gravé d'une mention censée porter chance et prospérité à son propriétaire.

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C'est un talisman qu'on se transmet dans la famille de génération en génération. C'est l'ancêtre Maurice qui l'avait ramené en revenant d'un long voyage en Indochine, une région qu'on appelle aujourd'hui le Viêt Nam.

Perpétuant une tradition familiale ...

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Maurice était commandant dans le Quatrième Régiment d'Artillerie et, comme la France faisait la guerre dans ces contrées d'Extrême-Orient,  le commandant avait suivi son régiment qu'on envoyait combattre à l'autre bout du monde.

Seulement, les généraux de l'époque s'étaient bien trompés, quand ils avaient imaginé qu'on peut gagner une guerre dans la jungle asiatique avec des canons d'artillerie, conçus pour des batailles dans les plaines européennes.

 

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Les Indochinois sont de fiers guerriers, aussi intelligents que vaillants. Ils connaissent la jungle puisque c'est la leur, c'est cette jungle, à côté de leur village, qu'ils ont parcourue dans tous les sens pendant les jeux de leur enfance.

 

Et quand la guerre a commencé, les enfants indochinois étaient devenus ces fiers guerriers qui n'avaient rien oublié de cette jungle qu'ils connaissaient par cœur. Ils y avaient creusé des tunnels et des souterrains tellement bien faits et tellement solides, que même sous la pluie d'obus tirés par tous les canons de l'artillerie des Français, les tunnels ne s'effondraient pas et les Indochinois y restaient cacher, silencieusement, des journées entières.

 

La nuit venue, ils sortaient de leurs abris et se faufilaient comme des ombres terribles, plus féroces que des tigres, ils se lançaient à l'assaut des pauvres Français qui n'en dormaient plus, ahuris de terreur.

Quand le jour se levait enfin, les Français épuisés partaient vainement chercher, partout dans la jungle, des ennemis invisibles...en attendant la nuit suivante et ses nouveaux cauchemars...

 

***

Mais dans la jungle en Indochine, il n'y a pas seulement des fiers guerriers féroces comme des tigres terribles, on trouve aussi des crocodiles tout autant terribles et en permanence affamés. Les soldats français aussi avaient faim et un jour, les artilleurs du Quatrième Régiment décidèrent de partir à la chasse au crocodile, pour passer un peu de bon temps et oublier la terreur de la nuit.

 

Les soldats se tenaient au bord d'une grande rivière, ils avaient chaud, ils avaient soif, ils avaient faim, ils étaient fatigués et certains grelottaient déjà de fièvre. Mais tous scrutaient la surface de l'eau, guettant les petites vagues trahissant la présence des crocodiles. Parfois on voyait les énormes bêtes battre de la queue ou ouvrir une gueule immense et montrer au ciel leurs dents pointues comme des poignards.

 

Et puis un crocodile finit par s'approcher nonchalamment de la berge, alors les soldats empoignèrent leur fusil M.A.S. 36  et ont attendu de lui voir le blanc des yeux pour ouvrir le feu.

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Dès qu'ils l'eurent abattue, des soldats ont vite embarqué dans une espèce de pirogue et sont allés chercher leur proie, avant qu'elle ne disparaisse, dévorée par d'autres prédateurs. 

 

Les soldats ont tiré la bête sur la berge, elle était énorme. On lui aurait donné au moins 150 ans.

Avant de le faire rôtir sur le grand feu que les soldats avaient déjà préparé, il fallait dépecer l'animal et lui retirer toutes ses entrailles, son cœur, ses poumons, son foie, son estomac...

Alors les soldats prirent un grand poignard et ouvrir le ventre énorme du crocodile. Ils lui enlevèrent, le cœur, les poumons, le foie et enfin l'estomac. Mais cet estomac était gros et dur comme s'il renfermait quelque chose. Alors un artilleur prit encore son gros poignard et l'ouvrit dans toute sa longueur.

 

Et tous firent de grands yeux car ils ne croyaient pas ce qu'ils voyaient...

 

Dans l'estomac du crocodile, il y avait le bras d'une femme, encore vêtu d'un beau chemisier blanc déchiré au niveau de l'épaule, elle avait une belle main, des doigts très fins avec des ongles manucurés. Les doigts de la femme serraient encore la lanière d'un petit sac à main très élégant. Quand les soldats ont ouvert le petit sac à main très élégant, ils ont trouvé un bâton de rouge à lèvres, un mouchoir brodé, un carnet et un crayon qui y était attaché avec un ruban doré. Il n'y avait rien dans le petit sac pour indiquer l'identité de la dame, on n'a jamais su comment elle s'appelait et à qui appartenait le bras. On ne savait pas si la dame était encore en vie, mais on en doutait.

 

165crocodile.jpgOn avait juste compris que le crocodile était allé chercher sa proie quelque part aux environs d'une ville...les dames se promènent rarement dans la jungle avec leur sac à main et leur bâton de rouge à lèvres...

Dans l'élégant petit sac à main, il y avait aussi un porte-monnaie. C'est dans le porte-monnaie que les soldats ont trouvé le ducat d'or, et comme Maurice était le commandant des soldats, c'est lui qui l'a gardé.

 

***

En Indochine, il y a des guerriers fort comme des tigres, il y a des crocodiles mangeurs d'hommes et de dames, et il y a aussi de méchants moustiques qui portent des maladies terribles. C'était une autre nuit pleine de bruit et de terreur; le commandant Maurice s'était fait piquer par un de ces méchants moustiques, alors il tomba gravement malade. Comme il avait attrapé le paludisme, on l'amena dans un grand hôpital militaire. Il y resta quelques semaines avant d'être rapatrié à la maison, à Cherchell en Afrique du nord, dans la région de Tipaza, dans un pays que les Français appellent l'Algérie.

 

En plus du paludisme, Maurice ramena beaucoup de souvenirs d'Indochine. Il ramena aussi le ducat d'or de la mystérieuse dame dévorée par un crocodile...

 

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Et si on lui demande, un peu surpris, s'il est vraiment certain que ce talisman porte chance à son propriétaire...le commandant Maurice répond dans un grand éclat de rire, que bien sûr...c'est un talisman qui protège de la superstition...

 

...mais pas des crocodiles !

 

 

***